Gabriel Pierné: Sonate pour violon et piano op. 36; Philippe Gaubert: 4 Esquisses; Gabriel Fauré: Violinsonate op. 13; Anna Sophie Dauenhauer, Lukas Maria Kuen; 1 CD Thorofon CTH2600; 12/12 (62'10) – Critique de Rémy Franck

Ce disque parle et accroche dès les toutes premières minutes. Il accroche d’autant plus que l’image de couverture ne m’avait pas semblé transmettre un vrai message d’extase, plutôt le contraire. Belle tromperie! Et belle surprise!

Le programme commence par la Sonate op. 36 de Gabriel Pierné (1863-1937). De la vie de ce compositeur, l’histoire de la musique a surtout voulu retenir ses intenses activités de chef d’orchestre. Il est vrai qu’à la tête des célèbres Concerts Colonne, entre 1910 et 1934, il participa très largement à la promotion et à la diffusion de la musique française de son temps. Toutefois, ne retenir de lui que cet aspect de sa carrière serait négliger le grand compositeur qu’il fut également et dont les fondements avaient été posés par César Franck et Jules Massenet.

Dans l’interprétation du Duo Dauenhauer-Kuen, l’allegretto initial de la Sonate de Pierné est si enfiévré que l’auditeur s’adonne ensuite avec un réel plaisir au charme voluptueusement enjoué pour ne pas dire érotique de l’Allegretto tranquillo, avant que le commencement du finale ne pose la question essentielle, oui ou non, suivi d’une grande agitation et d’un élan qui fait regretter l’arrivée de la fin, après sept minutes et demie de passion. Le duo excelle dans le déploiement des couleurs qui font la richesse de la musique de Gabriel Pierné et il se dédie aussi totalement à nous faire aimer d’emblée les ‘Quatre  Esquisses’ de Philippe Gaubert

Philippe Gaubert (né à Cahors en 1879 et décédé à Paris en 1941) est un de ces musiciens dont la carrière était non seulement due à son talent, mais aussi à d’heureuses circonstances. Son père, cordonnier, mais amoureux de musique, clarinettiste dans des ensembles de bal, décida en 1888 de ‘monter à Paris’, afin que ses enfants deviennent musiciens. Il y décéda trois ans plus tard, laissant sa famille à la charge du jeune Philippe, qui n’avait pas encore treize ans.

Celui-ci commença alors à gagner sa vie en jouant du violon et de la flûte dans un cinéma. Et c’est justement en l’entendant à la flûte que le père de Paul Taffanel, le plus grand flûtiste français de son temps, s’étonna de son talent et décida de lui donner des cours. Peu après, il le présenta à son fils, qui le prit dans sa classe au Conservatoire. Il y obtint, âgé de 15 ans, un Premier prix, tout en travaillant le violon qu’il jouait comme remplaçant à l’Opéra. En 1895, l’influent Taffanel le fit nommer flûte solo dans le même orchestre.

Il devint un flûtiste virtuose sans égal et un chef d’une grande autorité et d’une rare sensibilité, tant au concert qu’au théâtre. Cette carrière de chef d’orchestre, Philippe Gaubert l’avait entamée presque par hasard: En 1904, poussé par Taffanel, il se présenta au concours organisé pour le poste de second chef de la Société des Concerts du Conservatoire, alors qu’il n’avait jamais dirigé! Son interprétation du Finale de la 9e symphonie de Beethoven y fut si captivante qu’il obtint le poste avec une forte majorité des voix. Il avait 25 ans..

En 1908, il fut nommé professeur de flûte au Conservatoire, et, en 1919, professeur de composition. La même année, il devenait chef permanent de la Société des concerts du Conservatoire, et peu après, on lui confiait la direction musicale de l’Opéra de Paris! Il rassemblait ainsi dans ses mains les plus importants postes musicaux en France!

Gaubert avait travaillé la composition avec Gabriel Fauré et fut Second Grand Prix de Rome en 1905. Ses compositions comprennent un opéra, plusieurs oeuvres pour orchestre (dont la Symphonie en fa, un Concerto pour violon et un Concerto pour violoncelle) et de nombreuses œuvres de musique de chambre, dont ces Esquisses aux titres évocateurs ‘Extase’, ‘Voiles blanches, au crépuscule’, ‘Une chasse.. au loin’ et ‘Là bas, très loin, sur la mer’.

Non sans me souvenir des sonorités plus substantielles de Grumiaux ou de Mutter, je me laisse emballer par le Duo Dauenhauer-Kuen dans la Sonate de Gabriel Fauré où, une fois de plus, l’harmonie entre le violoniste et le pianiste est optimale et le dialogue constant. L’important rôle que Fauré a confié au pianiste est tenu sans faille par Lukas Maria Kuen.

Voici donc un très beau disque de musique de chambre que je recommande surtout pour les œuvres de Pierné et Gaubert.

Das gut funktionierende Duo Dauenhauer-Kuen überzeugt in erster Linie mit stimmungsvollen und rhetorisch durchgeformten Interpretationen der Sonate von Pierné und der Vier Skizzen von Philippe Gaubert.

There is much to enjoy on this CD which I recommend above all for the recordings of Pierné’s Sonata and ‘4 Esquisses’ from Philippe Gaubert.

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