Un des élèves de Janos Starker, le légendaire violoncelliste décédé le 28 avril, Raphaël Pidoux (né en 1967), violoncelliste du ‘Trio Wanderer’, rend hommage à celui qui fut son maître à l’Université d’Indiana. Voici le témoignage qu’il nous a fait parvenir depuis Niigata (Japon):

Starker était d’une générosité inégalée, mais nous le percevions différemment selon la rencontre. Enseigner lui était beaucoup plus familier et naturel que d’être sur scène en concert. Là où on pouvait lui reprocher d’être froid (il se caricaturait emprisonné dans un iceberg avec comme légende: celui dont la flamme intérieure gèle l’air autour de lui!), il était tout l’inverse en cours.

Il nous parlait toujours de ‘sa’ famille, son Gang, qu’il ‘formait’ avec un extraordinaire pragmatisme; enfant prodige, il s’était par la suite remis en question, ce qui lui donnait une farouche envie de ‘transmettre’ son savoir avec un diagnostic à faire rage!

« Je ne veux pas vous parler de musique, d’interprétation, mais plutôt vous donner les moyens technique et physique d’y parvenir vous-mêmes… » Quelle belle leçon d’autonomie et d’humilité…

Après une carrière ‘à l’ancienne’, en passant des dizaines d’années à l’orchestre, à faire de la musique de chambre avec ses collègues (Sebök, Suk, Katchen…), puis une carrière de soliste éclatante (puisque réfléchie), il crée le formidable département de musique au sein de l’Université d’Indiana (Etats-Unis) en s’entourant de ses amis Gingold, Sebok, Pressler, Gulli… il forge un esprit particulier, unique, à Bloomington, petite ville perdue dans l’Indiana.

Sa grande piscine privée lui permet de faire du dos crawlé, source de bienfaits pour les violoncellistes ! (un carrelage gravé y indique: « This pool was built by Kodaly », car Zoltan Kodaly l’admire dans sa Sonate pour violoncelle seul qui deviendra son cheval de bataille… il obtient à sa mort les droits du compositeur…)

Sa science du bon geste sur l’instrument, et son phrasé si particulier en font tout simplement un des derniers grands que l’on reconnaît en écoute à l’aveugle, ses ports de voix inimitables ou sa rhétorique inspirée des hongrois donnent là tout son relief.

Une rencontre magique en 1988 au Festival de la Roque d’Anthéron, (où, parmi les ensembles en résidence, je figurais au sein du jeune ‘Trio Wanderer’) s’établit et nous permet une invitation l’année suivante à l’Université!

J’ai encore les quelques suggestions de ‘doigtés’ du Maître dans le Triple concerto de Beethoven, et un frisson d’autant plus grand, dorénavant, à chaque fois que je le jouerai.

Raphaël Pidoux
28 avril 2013

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